Un visage affleure noir d’un amas de charbon. Ce pourrait être aussi bien des cendres, à perte de vue dérobant l’horizon, la ruine de villes entières dont il émerge sauf dans l’air irrespirable, constellé de poussière. Tout a été foudroyé enseveli, près de lui, et lui-même englouti presque, réchappé de peu par hasard du désastre il se dégage de la pénombre. La fumée monte encore des débris, il faut partir, et la fumée, et le départ lui piquent la gorge, nouée comme une écharpe à l’orée de l’hiver.

Il part, sombre. Il s’enfuit dans le charbon.

Il fait nuit noire quand le roulis s’arrête enfin. Son visage miné, serti d’yeux froids, perce l’obscurité; les lumières de la ville, d’une ville, n’importe quelle ville pourvu qu’il y ait, la nuit, de la lumière, les lumières lui dansent sur le front. Il lève un regard résolu vers les lampes toutes blanches.

C’est un visage noir qu’hâtifs ils diront étranger, forcément, parce que noir, ou clandestin, forcément. Ils ne penseront pas aux cendres et aux villes calcinées et à la fumée épaisse, qui pique les yeux et la gorge.

C’est un jeune homme d’Alep, un chercheur d’asile.